Politique et Social

« Il doit finir le temps des colonies »

MEETING LUNDI 7 AVRIL 2025 – 19h
BOURSE DU TRAVAIL – 29 Bld du Temple – Paris 3e
Libération des prisonniers politiques de Kanaky
Défenseurs du droit à l’autodétermination de leur peuple 

Le 13 mai 2024 a marqué le début d’un nouveau soulèvement du peuple Kanak. Cette révolte fait  suite à plusieurs manœuvres de l’État français qui essaie de stopper le processus de décolonisation du  territoire de la Kanaky (Nouvelle-Calédonie) pour poursuivre une politique de colonisation de  peuplement, et ce avec le passage en force de la loi sur le dégel du corps électoral provincial. La CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain), mise en place par une large coordination  indépendantiste avait mené dès novembre 2023, des manifestations massives et pacifiques pendant plusieurs mois à travers tout le pays. La CCAT fait aujourd’hui partie du FLNKS (Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste).

La révolte populaire, durement réprimée, a fait une douzaine de morts Kanak, des centaines de  blessé·e·s et plus de 3 000 interpellations par les forces de l’ordre avec l’appui de milices racistes et coloniales. Malgré les appels à la désescalade, la CCAT a été accusée comme responsable de tout  ce qui s’est passé à Nouméa. 

Pour leur engagement politique en tant que défenseur du respect du droit à l’autodétermination de  leur peuple, 13 militant·e·s Kanak de la CCAT ont été mis en examen avec de très lourds chefs  d’accusation relevant de la criminalité et de l’association de malfaiteurs. Ils risquent de très lourdes  peines. 7 d’entre elles.eux, dont 2 femmes, ont été déporté·e·s dans des  conditions inhumaines et en toute illégalité vis à vis du droit international, à 18 000 kilomètres de chez eux, dans la nuit du 23 juin 2024, de Kanaky vers la France.

Parmi eux Christian Tein – actuel président du FLNKS, Guillaume Vama, Dimitri Qenegei, Steeve Unë et Yewa Waetheane sont toujours incarcérés ; Brenda Wanabo et Frédérique  Muliava sont assignées à résidence, sous contrôle judiciaire. Par ailleurs, une soixantaine de prisonniers Kanak de droit commun ont aussi été déportés en France  vers une quarantaine de prisons, et ce dans la plus grande opacité. 

Le Collectif Solidarité Kanaky, avec le soutien de toutes les forces politiques syndicales associatives et culturelles, solidaires du peuple Kanak, exige :

– la libération immédiate de tou·te·s les prisonnier·e·s politiques Kanak, et l’abandon de toutes les  charges à leur encontre. 

– l’arrêt des déportations, le rapatriement et le rapprochement avec leurs familles de tou·te·s les  détenu·e·s qui le souhaitent, et ce à la charge de l’État, revendication portée aussi par le mouvement  indépendantiste Kanak.

– Vérité et justice pour toutes les victimes de la répression coloniale. 

– La fin de la répression coloniale et de la militarisation du territoire, le départ des troupes françaises  de Kanaky. 

– L’abrogation définitive du projet de loi sur le dégel du corps électoral. 

– Le respect du droit à l’autodétermination et la poursuite du processus de décolonisation jusqu’à l’indépendance et la souveraineté pleine et entière de la Kanaky. 

*******
Pour le respect des libertés publiques en Kanaky 

« Nous estimons qu’il appartient au peuple kanak de déterminer librement son avenir », déclarent un ensemble de juristes et avocats. « Partisans du droit à l’autodétermination, nous estimons que, « restaurer le processus politique », comme le prétend le gouvernement, suppose nécessairement, au préalable, l’abandon des mesures attentatoires aux libertés prises par l’Etat ». 

Depuis bientôt une année, l’Etat colonial français poursuit sa politique répressive en Kanaky, au mépris des droits les plus fondamentaux. 

En février, le gouvernement a annoncé la reprise du dialogue sur le sort de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie, avec des entretiens bilatéraux. 

Pour cela, le Premier ministre a confié au ministre des Outre-mer la mission de « restaurer le processus politique ». 

Peut-il y avoir restauration d’un « processus politique », sans que ne soit abordée la question du rétablissement des droits les plus fondamentaux sur l’archipel ?

Si, au printemps dernier, le gouvernement avait été contraint de renoncer au projet de réforme constitutionnelle en vue du dégel du corps électoral en Kanaky-Nouvelle-Calédonie, il n’a pas pour autant renoncé à la mise en œuvre de mesures particulièrement attentatoires aux libertés du peuple Kanak. 

Souvenons-nous, le 15 mai dernier, le Président Emmanuel Macron avait instauré l’état d’urgence, fondé sur la loi du 3 avril 1955, qui lui avait alors permis de recourir à des mesures d’exception et, sur décision directement prise par le ministre de l’intérieur, d’assigner à résidence une trentaine de militants politiques et syndicaux de la cause indépendantiste. 

Au même moment, le Gouvernement bloquait l’accès au réseau social Tik Tok sur l’archipel (une telle mesure n’avait jusqu’alors été prise qu’en Chine, en Russie ou en Corée du Nord). Parallèlement, un total de 6 000 agents des forces de l’ordre étaient déployés, soit 1 fonctionnaire chargé du maintien de l’ordre pour 50 habitants.

11 kanak étaient tués, soit par des milices caldoches, soit par les forces de l’ordre. Le Haut-commissaire de la République ordonnait une vaste opération de perquisitions administratives, et le Procureur de la République de Nouméa poursuivait massivement les participants aux manifestations, devant les juridictions pénales. 

À la mi-janvier 2025, le Procureur rendait publics les chiffres suivants : 2 600 gardés à vue (soit 1 kanak sur 100), 502 personnes présentées au parquet pour poursuites judiciaires, 243 Kanak incarcérés, 650 convoqués en justice, 30 informations judiciaires ouvertes et 520 personnes faisant l’objet d’alternatives aux poursuites (c’est-à-dire que leur culpabilité était retenue sans pour autant qu’elles soient jugées par un tribunal). 

Le 22 juin, 11 militants politiques et syndicaux (dont Christian Tein, élu depuis à la tête du FLNKS) étaient mis en examen, dont 7 placés en détention provisoire et transférés vers la métropole, le procureur estimant alors que les faits « relèvent d’un mouvement insurrectionnel, sur fond de radicalisation identitaire ».

Ce n’est que le 28 janvier 2025 que la Chambre criminelle de la Cour de cassation a finalement fait droit à la demande de dépaysement de ce dossier, le parquet s’y étant toujours refusé. 

Plus globalement, depuis le mois de mai 2024, une soixantaine de prisonniers a été transférée dans l’Hexagone, à 17 000 km de leurs familles. 

À partir du mois d’août 2024, et dans un contexte de tensions, le Haut-Commissaire de la République « verrouillait » la route servant d’axe de communication entre Nouméa et le sud de la Grande Terre, interdisant de facto à des milliers de personnes de se déplacer pour se rendre dans les écoles, sur leurs lieux de travail ou à des rendez-vous à l’hôpital et créant d’importants problèmes d’approvisionnement.

Depuis 10 mois et encore à ce jour, des arrêtés portant interdiction générale de manifester sur le territoire des communes principales de l’archipel sont prononcés sans discontinuité, empêchant toute expression collective sur la voie publique. 

Sont par ailleurs prises des mesures sociales pénalisant directement les kanak. A partir du mois de juin 2024, la Province Sud a supprimé les aides alimentaires, suspendu l’aide médicale gratuite et a fermé plusieurs dispensaires. Ainsi, au début de l’année 2025, l’allocation de rentrée scolaire et l’aide au transport scolaire ont été supprimées ; l’aide allouée pour le financement de la cantine scolaire a été quant à elle drastiquement diminuée, conduisant de nombreuses familles à devoir choisir entre financer le repas à la cantine et financer le transport scolaire, contraignant de nombreux enfants à parcourir plusieurs kilomètres à pied, matin et soir, pour se rendre à l’école. 

De manière inédite, beaucoup d’inscriptions scolaires sont désormais refusées, sur la base de prétextes vétilleux rejetant par exemple la possibilité de justifier d’une adresse à l’aide d’une attestation d’hébergement. De nombreux élèves demeurent ainsi déscolarisés.

Parallèlement, aujourd’hui, plusieurs organisations politiques et syndicales dénoncent l’esprit revanchard du patronat, largement acquis aux positions loyalistes, se manifestant par des pratiques discriminatoires à l’embauche ou par les manœuvres privant de nombreux travailleurs kanak d’un accès aux marchés publics.

Déjà en août dernier, un collège d’experts de l’ONU s’était alarmé de la situation faite aux kanak, estimant que « la tentative de démantèlement de l’Accord de Nouméa porte gravement atteinte à leurs droits humains et à l’intégrité du processus global de décolonisation » « Le gouvernement français n’a pas respecté les droits fondamentaux à la participation, à la consultation et au consentement libre, préalable et éclairé des Peuples Autochtones kanak et de ses institutions, y compris le Sénat coutumier », a-il averti, en indiquant que, par ailleurs, la situation « soulève de sérieuses inquiétudes quant à l’état de droit ». 

Dans la même ligne, nous, juristes et avocats, estimons qu’il appartient au peuple kanak de déterminer librement son avenir. Partisans du droit à l’autodétermination, nous estimons que, « restaurer le processus politique », comme le prétend le gouvernement, suppose nécessairement, au préalable, l’abandon des mesures attentatoires aux libertés prises par l’Etat, le retour en Kanaky des prisonniers politiques détenus en métropole ainsi que l’arrêt immédiat des poursuites à l’encontre des militants de la cause kanak. Il faut parallèlement, que la lumière soit faite sur l’assassinat, par des miliciens, de militants et jeunes kanak.

Voir les signataires sur le site de Médiapart
https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/040425/pour-le-respect-des-libertes-publiques-en-kanaky