International, Médias, Politique et Social

Soutien à l’Ukraine résistante n° 37

A lire, à diffuser.

https://www.syllepse.net/syllepse_images/soutien-a—lukraine-re–sistante–n-deg-37_compressed.pdf

Les deux salopards ou les amis du salopard de Moscou ne sont pas mes amis

Patrick Silberstein1

«Tous ceux qui errent ne sont pas perdus2.»

«Ne demande pas ton chemin à qui le connaît car tu ne pourrais pas t’égarer3.»

Observant le duo de ceux qu’il appelle les «deux crapules en chef unis dans le pillage du pays martyrisé4», le syndicaliste italien Piero Bernocchi écrit qu’il lui semblait que la nou- velle situation devrait «au moins mettre fin à la litanie des “pacifistes” qui réclament “la paix, la paix, la paix” en feignant d’ignorer ce que Poutine entend par paix». Il poursuit en de- mandant aux pacifistes en question s’ils veulent que la «paix se fasse au prix de la capitulation totale de l’Ukraine, de sa désintégration […] et de sa soumission». Avant de rédiger ces lignes

quelque peu grinçantes, Piero les avait regar- dés brûler… des drapeaux européens, «plutôt que ceux des agresseurs russes et peut-être de leurs complices américains actuels». Comme si, ajoute-t-il, «c’était l’Union européenne et l’Ukraine qui avaient déclenché la guerre». La sérénité de Piero s’abîme ensuite dans la lec- ture de la convocation à cette action pacifiste qui ne comporte pas «une seule virgule contre Trump et l’obscène partage moitié-moitié de l’Ukraine avec Poutine.» Enfin, il reconnaît qu’il a pu penser, l’espace d’un instant, que la nou- velle alliance entre Trump et Poutine allait «en- fin permettre de sortir du “dilemme” de savoirlequel des deux impérialismes était le pire […] et les placer, comme ils le méritent, sur le même plan ».

Rappelons-nous, hier, certains ne voulaient pas mourir pour Dantzig. Pour d’autres, mieux valait Hitler que le Front populaire. Le mélange des deux allait être explosif. Personne n’avait voulu non plus mourir pour Prague. C’est ainsi que Munich fut, un temps fugace, la capitale de l’Europe de la paix. De la paix hitlérienne. Il ne fallait d’ailleurs pas non plus livrer d’armes à l’Es- pagne parce que ça aurait pu provoquer une guerre mondiale.

Munich. Neville Chamberlain et Édouard Daladier y avait sacrifié la Tchécoslovaquie aux appétits nazis. Le chef de l’empire britannique n’avait pas hésité à déclarer que le Führer était « un homme sur qui l’on peut compter lorsqu’il a engagé sa parole».

Aujourd’hui, dans certains cercles attachés à la paix, on se prend à espérer que le salopard

page5image656210896

de Washington, le seul le vrai, satisfera aux desi- derata de son ami Poutine, en asphyxiant et en aveuglant la défense ukrainienne.

La paix vaut bien une messe

On ne manquera pas, en France, de convo- quer les mânes de Jean Giono pour qui tout était bon «pour sauver la paix», par exemple un «arrangement équitable» ou un «nouveau statut européen aboutissant à la neutralisation de l’Ukraine5 ». L’Ukraine ? Mais non, ballot, c’est de la Tchécoslovaquie dont il s’agissait… C’est encore ce brave homme du terroir bien de chez nous6 qui se proposait de rencontrer Hitler «au milieu des champs» pour lui proposer de prendre «l’initiative d’un désarmement général, universel ».

Oui, je sais, mieux vaut le beurre que les ca- nons. Qui pourrait prétendre le contraire ? Mais certains partisans du beurre devraient regarder ce qui se cache au bout du beurrier. Oui, cama- rades, il faut aller au bout ! Jusqu’au bout de la nuit, même. Nos canons, ai-je lu, sont faits pour défendre nos «nombreuses frontières dans le monde». Oui vous avez bien lu, nos frontières sont aujourd’hui «sur l’Oyapock et le Maroni, dans l’océan Indien et dans les Caraïbes, dans l’Antarctique comme dans le Pacifique7…».

Donc, nous avons bien compris. Les canons, ils n’ont rien contre mais pas pour assurer la sur- vie de l’Ukraine indépendante envahie par l’im- périalisme russe.

Passons notre chemin !

Nous ouvrons cette 37e livraison de Soutien à l’Ukraine résistante par trois voix. Les deux premières nous viennent de l’intérieur des puis- sances de l’Axe. La troisième nous vient du pays où, comme l’écrit Yana Bondareva, «la défense de notre pays fait partie de la lutte pour la jus- tice sociale ».

L’Américain Peter Hudis nous rappelle que l’Ukraine reste «une pierre de touche de la po- litique mondiale» et que si les deux crapules «parviennent à réduire son combat pour l’au- todétermination», il sera alors plus difficile de faire avancer les luttes pour la liberté ailleurs.

De leur côté, nos amis russes de la revue Posle insistent sur le sens de la rencontre entre «les représentants de puissances militaires» qui discutent « de la division du territoire d’un autre pays et de ses richesses naturelles». Cet événe- ment, écrivent-ils, «rappelle les événements les plus honteux et injustes du passé, tels que les partages de la Pologne à la fin du 18e siècle ou le pacte de Munich de 1938».

Ensuite, Viatcheslav Likhatchev, qui est ukrai- nien, invite les oublieux à prendre en compte une expérience historique partagée par les peuples d’Europe orientale: celle du knout russe et de l’oppression nationale.

page6image729769776 1. Patrick Silberstein est membre des Brigades éditoriales de solidarité et du Comité français du RESU.
2. J. J. R. Tolkien, Le Seigneur des anneaux.
3. Nachman Braslaw, rabbin ukrainien.

4. À savoir, écrit Piero Bernocchi, « donner à la Russie
un tiers du territoire ukrainien, démanteler son armée,
ne pas lui permettre de recevoir d’aide étrangère – et dictatoriales – […] imposer des élections pour évincer Zelensky, dûment élu par près de 80 % de la population ». Piero Bernocchi, « La pax putiniana vuole imporre la resa e la disgregazione dell’Ucraina», Brescia anticapitalista.

5. Journal, septembre 1938.
6. Jean Giono avait au moins l’excuse d’être sorti des tranchées meurtri au plus profond de lui-même.
7. J’ai bien conscience que cette allusion est très franco- française mais je suis malheureusement certain qu’elle se décline dans différents contextes nationaux.

page6image729770144

6