Les élections législatives en Allemagne : poussée du néo-fascisme à droite mais résistance à gauche des Linke, qui surmontent la crise provoquée par le populisme du mouvement de Sahra Wagenknecht
Par Robert Duguet
24 février
Les élections législatives en Allemagne sont incontestablement caractérisées par une montée en puissance de l’AFD (Alternative für Deutschland). 20,8% des suffrages contre 28,6% aux conservateurs. Inquiétante progression depuis 2021. C’est le score le plus élevé pour une formation politique de type néo-fasciste depuis la fin de la seconde guerre mondiale, dans ce pays qui fut le berceau du nazisme. De plus il convient de souligner un taux de participation record de 84% depuis 40 ans. Le parti social-démocrate d’Olaf Scholz tombe à 16,4%.
Der Spiegel souligne un sondage qui indique que deux électeurs sur trois redoutent une coalition classique CDU-SPD, classique dans l’histoire de l’Allemagne depuis la guerre, mais qui repose aujourd’hui sur de profondes divergences sur la politique sociale et surtout internationale, notamment sur la question de la guerre en Ukraine et du positionnement sur la Russie de Poutine. Les néo-fascistes, qui ont reçu dans la dernière ligne droite de la campagne le soutien de Donald Trump, seront en position de force au sein du parlement, face à ce que sera un nouvel attelage, SPD-CDU.
En revanche heureuse surprise dans la gauche du mouvement ouvrier. Les Linke avaient été réduit à 4% dans les scrutins précédents, d’une part du fait de leur adaptation à la politique du SPD, notamment sur la question des services publics, et d’autre part du coup bas porté par l’offensive démagogique de Sahra Wagenknecht, épouse du fondateur historique Oscar Lafontaine. Rappelons qu’il y a deux composantes, je dirais contradictoires, dans les Linke : l’une vient de syndicalistes issus de la gauche de la social-démocratie, et l’autre de l’ex parti stalinien, en fait des membres de l’appareil d’Etat de l’ex-RDA. Sahra Wagenknecht en est issue et elle n’avait pas bonne presse dans le parti. Les Linke n’on rien à voir avec le-Parti Gauche de Mélenchon que ce dernier avait détruit avec talent au profit de la ligne populiste de France Insoumise. En Allemagne cette ligne ne passe pas : les Linke ont surmonté l’opération Wagenknecht. Celle-ci ne représente que 5,5%. Les Linke ont su gagner 30 000 adhérents en faisant campagne en direction de la jeunesse sur l’emploi et le droit au logement. En janvier ils ont su soutenir et participer aux manifestations de masse à Berlin sur l’immigration.
Toutefois Sahra Wagenknecht, copine de Mélenchon au moment de la proclamation du mouvement Aufstehen (Debout), populiste de droite comme elle se définit elle-même aujourd’hui, en fait rouge-brun comme la qualifient les trotskystes allemands qui écrivent dans la revue Inprecor, garde cependant une puissance de nuisance dans les trois Land issus de l’ex-RDA, à savoir Thüringe, Bandebourg et la Saxe. Sa politique est résolument sur un repli nationaliste, axé sur l’arrêt des livraisons d’armes à l’Ukraine et exigeant de rétablir les accords économiques avec le régime de Poutine. Elle est en position dans ces trois Land d’être « une faiseuse de rois », pour reprendre le mot de la journaliste du Monde Elsa Conessa.
On peut dire que le vote allemand ne constitue pas le basculement de l’Allemagne que voulaient Trump, Musk et Poutine. Mais la coalition qui se formera sera très fragile face aux attaques de l’AFD et des rouges-bruns, qui feront cause commune sur l’international. Le positionnement actuel des Linke sera-t-il un élément de la recomposition du mouvement ouvrier ? A suivre à la loupe la situation politique de l’Allemagne.