Idées et Sociétés, Médias

L’armée des hommes libres

Deux des articles publiés ci-dessous ont été écrit en… 1994. Le troisième est un extrait de livre publié en 1985. Nous étions alors dans un tout autre contexte – celui de la crise des euromissiles –  que celui dans lequel nous sommes aujourd’hui. Leur réédition, alors que la guerre d’invasion de la Russie va entrer dans sa troisième année et que les pays européens réarment, n’a d’autre ambition que de rappeler quelques éléments d’une histoire méconnue – et enfouie – qui peuvent (modestement et partiellement) éclairer le présent. 

L’armée des hommes libres

Patrick Le Tréhondat & Patrick Silberstein (1994)

Nous publions ici quelques extraits du chapitre 6 de Democratic Defence (Heretic Books, Londres, 1985), un livre de Peter Tatchell. Nous le remercions chaleureusement de nous avoir permis cet emprunt qui permet de rendre justice à des «soldats inconnus». Il s’agit sans aucun doute d’un chapitre oublié ou volontairement passé sous silence de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. De 1940 à 1941, alors que la Wermacht submergeait l’Europe et que se profilait une possible invasion de la Grande-Bretagne, certains ont entrepris d’y forger une armée très particulière: une armée recrutée et organisée sur les lieux de travail et d’habitation: une armée démocratique et débarrassée du chauvi- nisme ; une armée dont les buts de guerre étaient la lutte contre le fascisme et la libération des peuples et des travailleurs; une armée qui, dans le cours des événements, avait acquis un penchant fâcheux: celui de glisser en dehors des mains de la classe dirigeante. 

L’extraordinaire récit de Peter Tatchell donne un éclairage essentiel sur la situation politique, sociale et militaire de la Grande-Bretagne de 1940. Rappelons brièvement le contexte de l’été 1940: victoires éclairs des armées nazies en Europe, défaite anglo-française et Pacte germano-soviétique. Ces événements terribles avaient semé désarroi, confusion et désorientation parmi les masses ouvrières. De son côté, battue, choquée, l’Angleterre impériale ne savait plus à quel saint se vouer. Pour résister, elle était contrainte à demander l’aide de son prolétariat. 

Les travailleurs de Grande-Bretagne se sont donc levés en masse pour rejoindre les unités territoriales, dont la tâche était de résister à une éventuelle invasion. En juin 1940, le pouvoir britannique ne pouvait d’ailleurs pas faire autrement que lever une telle milice. Le roi était nu. Ses troupes avaient été balayées en Europe et le reste de ses forces était dispersé aux quatre coins du globe pour assurer l’ordre colonial. Mais, bien entendu, les objectifs des uns et des autres n’étaient pas les mêmes. Les travailleurs attribuaient à cette Garde territoriale un rôle particulier. Ils avaient besoin d’une «armée du peuple» pour mener une «guerre populaire» contre le nazisme. Les antagonismes de classes continuaient donc de plus belle. Dans le pays et dans les armées! Malgré la guerre et par la guerre! 

Il nous faut saluer ici Tom Wintringham. Ancien combattant de la Première Guerre mondiale, mutin en 1918, membre fondateur du Parti communiste, ancien d’Espagne et communiste en rupture de ban, il sut donner corps et âmes à une autre conception de la guerre et lui donner une assise de masse. Selon Peter Tatchell, Wintringham peut être considéré comme le théoricien qui a développé une théorie de la guerre populaire «adaptée aux traditions, à la géographie et à la culture de la civilisation britannique au milieu du 20e siècle». Quand Tom Wintringham et ses amis créèrent leur école militaire indépendante près de Londres, beaucoup à gauche s’alignaient derrière la coalition regroupant conservateurs et travaillistes sous la direction de Winston Churchill, se réfugiaient dans un pacifisme stérile ou se perdaient dans l’agitation pseudo-anti-impérialiste prônée par le Kremlin. D’évidence, Tom Wintringham fut un militant d’une clairvoyance extraordinaire qui sut éviter, comme le disait un certain Léon Trotsky, l’«adaptation passive à la fortune des armes des États» en agissant pour la «transformation de la guerre impérialiste en une guerre civile». Au moment précis où ces événements se déroulent, le même dit à ses jeunes camarades américains que, lorsque les populations sont entraînées dans la tourmente de la guerre, il n’est pas simple d’être attentif à ne pas se confondre «avec le chauvinisme ni avec les sentiments confus de l’instinct de conservation». Mais, il est encore moins simple, ajoutait-il, de le faire en essayant de «comprendre ces sentiments, [de s’] y adapter de façon critique [et à] préparer les masses à une meilleure compréhension de la situation». C’était pourtant essentiel, sous peine de passer à côté du mouvement de l’histoire, sous peine de rester isolés. 

Il nous a semblé utile de donner à lire les idées, les actes et les combats de ceux qui, sous le drapeau du socialisme international, pensaient qu’on pouvait vaincre le fascisme et le capitalisme en faisant la guerre autrement, en changeant les buts et les moyens de cette guerre. 

Democratic Defence

Peter Tatchell[1]

Au cours de l’été 1940, sous la menace de l’invasion nazie, il échoit à des militants de gauche comme Tom Wintringham de jouer un rôle moteur dans le développement de la Garde territoriale. Tom Wintringham était rentré d’Espagne en 1937 avec l’expérience du système de défense éminemment populaire et démocratique qui était pratiqué par les brigadistes et les armées républicaines. Conscient de l’imminence d’une agression allemande, il publie au début de 1939, une brochure intitulée Comment réformer l’armée? Il y proposait la démocratisation des forces armées britanniques et leur réorganisation autour de «bataillons de volontaires» d’un nouveau genre: «Il est possible de bâtir une armée assez forte pour défendre la Grande-Bretagne, si le peuple britannique reçoit une nouvelle liberté, celle d’apprendre le maniement des armes.» Il suggérait la création d’un corps d’infanterie légère de 150000 volontaires pour un service militaire court. Ce corps serait composé pour moitié d’anciens combattants de 1914-1918 âgés de 40 à 45 ans et pour moitié d’hommes plus jeunes. Tous feraient une période de formation de base de qua- tre à huit semaines suivie d’une période de réserve de trois semaines tous les trois ans. Wintringham proposa ces idées au ministère de la guerre en même temps que les leçons qu’il avait tirées de son expérience de combat contre les généraux italiens et allemands en Espagne. Mais ils ne furent pas intéressés ! Il fallut le blitz nazi et notamment l’occupation de la Hollande pour éveiller chez eux un intérêt plutôt réticent pour l’idée d’une force de défense territoriale. 

Au début de 1940, la marée fasciste semblait impossible à arrêter: les gouvernements conciliateurs ne voulaient pas prendre l’offensive contre le 3e Reich et les armées alliées se montraient largement inefficaces sur le champ de bataille. Après l’occupation de la Norvège et du Danemark, l’attaque contre la Belgique et la France et les parachutages en Hollande, l’invasion fasciste de la Grande-Bretagne semblait imminente. Spontanément, des milliers de «comités de surveillance» – non-officiels – apparurent dans toute la Grande- Bretagne pour scruter les côtes et le ciel afin de prévenir d’une invasion. Lorsque le 14 mai 1940, le gouvernement de coalition de Churchill remplaça l’administration conciliatrice de Chamberlain, il ne lui était plus possible de résister à la pression populaire pour l’action. Faisant écho à l’appel de William Pitt un siècle auparavant, Anthony Eden, secrétaire d’État à la guerre, lança un appel radiophonique à des « volontaires pour les forces de défense locales » qui furent bientôt connues sous le nom de Garde territoriale. Avant même qu’il ait fini de parler, les commissariats étaient assiégés de volontaires : ils étaient 250 000 le premier jour et 1,5 million à la fin du mois de juin. 

Bien que la Garde territoriale ait été uniquement ouverte aux recrues mas- culins, de nombreuses femmes voulurent aussi porter les armes. Alors que certaines réussirent à s’y engager – officieusement dans les premiers mois –, d’autres formèrent une organisation privée, la Ligue des amazones pour la défense. Edith Summerskill exigea du Parlement que les femmes soient autorisées à s’engager dans la Garde territoriale à égalité avec les hommes, mais ceci fut rejeté par le gouvernement[2].

Résistance populaire au fascisme 

Au cours des premières semaines, bien que disposant de peu d’armes et d’un entraînement peu efficace, la Garde territoriale était riche d’un enthousiasme désordonné et d’une énorme volonté populaire de résistance au fascisme. Les unités locales disposaient d’une grande indépendance. Dans beaucoup de villes, elles constituaient de véritables armées municipales commandées par des élus locaux. 

Wintringham comprit immédiatement que dans une telle atmosphère de crise nationale, toute initiative qui contribuait à la cause de la défense nationale devenait tout d’un coup acceptable. Et peu importait qu’elle ait suscité la défiance ou qu’elle ait même été interdite quelques semaines auparavant. Il vit la possibilité de profiter de la situation pour transformer la Garde territoriale en une véritable armée populaire pour résister à l’agression fasciste. Avec Edward Hulton[3], il décida de créer une école – non-officielle – d’entraînement pour la Garde territoriale, école dont il assurerait la direction. Un ami, Lord Jersey, mit son domaine d’Osterley Park, situé à l’ouest de Londres, à la disposition de l’école. Wintringham recruta pour Osterley un large éventail d’experts[4].

L’école fut ouverte le 10 juillet 1940. Au cours des trois premiers mois, 5000 volontaires y reçurent leur instruction. Il y eut même des unités de l’armée régulière qui vinrent assister à des stages non autorisés, en dépit de l’interdiction du ministère de la guerre. Bien entendu, le ministère et les dirigeants officiels de la Garde territoriale étaient extrêmement hostiles à Osterley et il fut difficile de les empêcher de fermer l’école. Mais, en octobre la réputation d’Osterley était si formidable que le gouvernement fut contraint de la reconnaître officiellement comme étant l’école d’instruction numéro 1 de la Garde territoriale. 

Cependant, l’opposition à l’école ne venait pas seulement de l’establishment. Le partis communiste, les organsiations trotskistes et les socialistes indépendants étaient unis dans leur condamnation de la Garde territoriale. George Orwell réfuta leurs arguments : 

«Le PC, l’ILP et tous les autres sont capables de répéter comme des perroquets qu’il faut armer les travailleurs, mais ils sont incapables de leur mettre un fusil dans les mains. La Garde territoriale en est capable et elle le fait.»

Il terminait sa plaidoirie en faveur de la Garde territoriale en lançant l’avertissement suivant: 

«[Il serait] puéril de supposer qu’il n’y ait aucun risque de trahison par un homologue anglais du gouvernement Pétain. Ou qu’il n’y ait aucun de risque de chaos après la guerre et qu’il ne serait pas alors nécessaire d’utiliser la violence pour restaurer la démocratie et empêcher un coup d’État réactionnaire. Dans n’importe laquelle de ces circonstances, l’existence d’une milice populaire armée, politiquement consciente et capable d’influencer l’armée régulière, aura une importance capitale[5]. » 

Malgré l’opposition combinée de la gauche et de la droite, les inscriptions à Osterley ne cessaient d’augmenter. Dans un article du Picture Post, Wintringham décrivit ses premières impressions: 

«Pendant que je regardais 250 hommes s’installer pour une conférence, il y eut une alerte aérienne. Une douzaine d’hommes armés de leur fusil occupèrent, comme prévu, leur position de combat tandis que le conférencier commençait son cours. Alors que je regardais et que j’écoutais en même temps, j’ai compris que je prenais part à quelque chose qui était à la fois si nouveau et si étrange que c’était presque révolutionnaire : la naissance d’une armée du peuple en Grande-Bretagne. Mais en même temps, c’est quelque chose de presque aussi vieux que l’Angleterre elle-même : le rassemblement “des hommes des comtés, capables de porter les armes”. […] Je ne pouvais pas m’empêcher d’être frappé par la ressemblance entre ces deux armées. La Garde territoriale de Grande-Bretagne et la milice de l’Espagne républicaine[6]

Pendant cette période, Wintringham était devenu le principal avocat de la guerre de guérilla urbaine pour résister à l’occupation nazie. C’est à des millions de lecteurs qu’il a décliné l’alphabet du «combat de rue[7]»:

«Mais à l’époque où nous étions occupés à donner ce type d’information à nos officiers et à nos hommes, un très grand Monsieur, qui avait été ministre, rencontra un ami qui lui dit revenir d’Osterley. “Quelle horreur”, lui dit le grand Monsieur, “On nous dit qu’Anthony Eden a l’intention de les intégrer et de les légaliser. Alors qu’ils enseignent le combat de rue pour venir nous assassiner dans nos lits”. C’était la voix authentique d’un irrécupérable Tory!» 

Dans les zones industrielles, la base active était composée d’ouvriers et souvent l’organisation se faisait sur les lieux de travail de façon à défendre les chemins de fer, les mines, les chantiers navals et les usines en cas d’agression fasciste. Il y avait aussi des unités particulières pour les journalistes, les postiers, les fonctionnaires, les conducteurs de taxi, les mariniers, etc. À la Chambre des Communes, les parlementaires et le personnel de bureau avaient leurs propres unités. Il en était de même pour les employés de la BBC. Aux Chemins de fer du sud, la Garde territoriale était organisée pour défendre les tunnels, les ponts, les aiguillages, les dépôts de locomotives. 

Le caractère fortement démocratique de la Garde territoriale était une évidence : beaucoup d’unités jouissaient d’un grand degré d’autonomie, élisaient leurs officiers et résistaient à l’effort du ministère de la guerre pour imposer à la fois ses officiers et ses méthodes. Même lorsque la Garde territoriale fut officialisée, le 6 août 1940, pour devenir une branche officielle de l’armée britannique, le salut resta optionnel, il y eut relativement peu d’abus d’autorité, les officiers n’eurent pas le pouvoir de punition sommaire […]. 

Le caractère populaire de la Garde territoriale apparaissait aussi dans le plaisir que certaines unités locales prenaient à élever des barrages sur les routes pour bloquer les véhicules des classes dirigeantes[8]. Mais, contrairement au mythe d’une «armée de pacotille», la plupart des unités de la Garde territoriale avaient atteint un haut niveau de capacité opérationnelle et auraient présenté un sérieux obstacle à la «pacification» nazie du pays[9]. […] 

Un peu plus tard, Wintringham plaida pour l’idée du développement de la Garde territoriale. Il envisageait la constitution d’une force comprenant 4 millions d’hommes disposant de leur armement chez eux et sur leur lieu de travail et proposait la création d’un Conseil de la Garde territoriale indépendant du ministère de la guerre[10]. Ces exigences furent reprises par Hugh Slater dans un livre où il suggérait qu’une «Garde territoriale complètement développée [serait] une garantie absolue contre le fascisme brut d’un Mosley et contre les activités plus insidieuses d’un candidat britannique au pétainisme[11]».

Wintringham formulait aussi une stratégie «anti-blitz» spécifique pour la Garde territoriale : 

« Les Allemands ont largement développé les tactiques d’attaque en profondeur en utilisant les divisions blindées, les troupes aéroportées et la “cinquième colonne”. Le meilleur moyen de résister, c’est d’utiliser une force qui, par son recrutement, est répartie naturellement dans toute la profondeur du pays. Nous sommes à même de posséder une armée qui constitue une ligne de défense si épaisse qu’elle remplirait la carte entière. La Garde territoriale peut être cette armée […]. En cas d’invasion, l’essentiel de cette armée doit rester au plus près de l’endroit où elle a été levée. […] Mais elle doit aussi disposer d’une mobilité tactique et dans certains cas, une mobilité stratégique sera aussi nécessaire. L’immobilité tactique est aujourd’hui un suicide. C’est la ligne Maginot.» 

Plus tard, Wintringham précisa encore ses idées et développa les théories de la «toile d’araignée» et des «îlots de résistance» qu’il présenta le 17 mai 1941, dans le Picture Post, sous le titre « Entraînons la Garde territoriale pour une guerre moderne»: 

«Notre capacité de tirer des troupes actives de la force de travail utilement employée dans la production de guerre nous met ici bien en avance sur les nazis dans le développement de la technique de la guerre. Ils ont développé l’attaque en profondeur; nous leur répondons par une nouvelle forme de défense en profondeur que seule la démocratie rend possible. Ni dans les pays qu’ils ont conquis ni même en Italie, les nazis ne peuvent armer les travailleurs. S’ils arment les travailleurs industriels en Allemagne, ils arment la révolution qui les détruira au bout du compte. Parce qu’ils ne sont pas une démocratie, ils ne peuvent parachever la forme nouvelle de défense qui mettrait en échec une nouvelle forme d’attaque. Nous pouvons y parvenir, si nous sommes capables de comprendre que le peu- ple britannique, une fois de plus, comme il l’a souvent fait par le passé, a l’initiative d’inventer et de développer quelque chose de nouveau et de puissant. […] L’avenir de la Garde territoriale réside dans sa reconnaissance comme réponse démocratique et efficace à la technique d’agression nazie. Si nous choisissons de copier les méthodes totalitaires, jamais nous ne rattraperons et ne surpasserons les nazis. Mais si nous libérons et mobilisons dans un sens démocratique l’initiative de notre peuple, […] je crois que nous serons à même de prendre l’offensive et d’inventer de nouvelles méthodes de guerre que les nazis sont condamnés, par leurs idées et leur type d’organisation, à ne jamais pouvoir comprendre ni copier. » 

[…] 

La liberté est notre arme 

Au début de 1941, Wintringham publia une autre brochure sous le titre : La liberté est notre arme : une politique de réforme pour l’armée[12]. Il y insistait sur la nécessité de mettre fin aux privilèges de classe et au profit privé car ils sapaient l’effort de guerre. Selon lui, l’armée devait renoncer à son conservatisme traditionnel et introduire en son sein plus «de liberté et de coopération» si on voulait avoir le moindre espoir de vaincre les forces du fascisme […]. Il recommandait que l’on mène cette guerre comme une «révolution antifasciste» dans laquelle l’armée britannique apprendrait «les tactiques de la guerre irrégulière» et comment «aider à l’organisation et à l’armement d’une milice populaire improvisée» dans les pays sous domination nazie. Dans ce but, il défendait l’idée d’une nouvelle «infanterie légère de débarquement, d’une infanterie légère parachutiste capable de combattre aux côtés des maquisards ou aux côtés des milices ouvrières des villes». 

Wintringham suggérait aussi que la capacité combattante de la Grande-Bretagne serait grandement augmentée si l’armée était libérée de ses tâches de police coloniale: 

«Une démocratie révolutionnaire libérerait ces parties de l’Empire, [car] si cette guerre doit être gagnée, elle doit cesser d’être une guerre dans laquelle l’Empire britannique tente de conserver ses possessions contre les attaques allemandes. Elle doit devenir une guerre de libération de l’Europe et du monde contre la domination et l’agression nazie et fasciste.» 

Cette idée de transformer la guerre en guerre antifasciste et anti-impérialiste a refait surface dans son livre, La guerre du peuple, publié en 1942. Il y proclamait la nécessité de l’ouverture d’un deuxième front basé sur une stratégie de «guerre populaire» combinant un débarquement britannique sur le continent avec le soutien d’un soulèvement simultané de partisans dans les nations occupées: 

«Une force britannique débarquée sur le continent pourrait remplir sa tâche à la grande vitesse de la guerre moderne si elle était soutenue par une révolte populaire que nous aiderions à armer. Mais nous ne pouvons pas espérer que des hommes qui croient qu’une révolte populaire est pire que le fascisme armeront ou organiseront cette révolte…» 

Il rejetait la conception conventionnelle d’un deuxième front. Ce serait, disait-il, « une entreprise longue et laborieuse, demandant de débarquer avec précaution et d’installer une tête de pont retranchée». Il ajoutait cependant qu’un deuxième front qui intégrerait une guerre populaire déclencherait un «feu de forêt qui traverserait l’Europe, se répandrait dans l’air quand il serait bloqué au sol et qui provoquerait une explosion lorsqu’il atteindrait les grandes villes » […]. 

« La guerre contre l’agression fasciste est une guerre juste » 

Dans une lettre au New Statesman du 5 juillet 1941, annonçant sa rupture avec le Parti communiste, Wintringham affirme : 

«Si le Parti communiste n’a pas réussi entre octobre 1939 et juin 1941 à faire de cette guerre une guerre antifasciste et populaire, c’est parce qu’il ne l’a pas voulu ; il n’a pas essayé. Il n’a pas essayé parce qu’il manquait d’indépendance et de courage dans la pensée et l’action. Et de marxisme. […] Qu’est-ce que cette guerre? Elle a commencé en 1936, en Espagne. C’était alors une guerre impérialiste, mais en même temps une guerre entre le fascisme et l’antifascisme. Avec la défaite de l’antifascisme en Espagne et l’attaque contre la Pologne, la guerre est devenue principalement impérialiste. Mais ayant été une guerre populaire antifasciste, elle pouvait le redevenir si les forces populaires étaient organisées pour opé- rer cette transformation. […] Bien entendu, toute force antifasciste qui veut vaincre le fascisme doit combattre les amis du fascisme, ici, là où on peut les atteindre. Nous devons aussi combattre ces réactionnaires qui ne peuvent pas gagner cette guerre. Mais nous devons les combattre non pas comme des “va- t’en guerre”, mais comme des tièdes qui vont la perdre.» 

La même année, sa critique de la politique de guerre du Parti com-muniste fut publiée dans un livre, La politique de la victoire. Il y définissait une politique alternative de soutien à la guerre contre le fascisme qui s’opposait au gouvernement de coalition de Churchill et combattait pour une administration socialiste radicale […]. Concédant que la guerre présentait des éléments de rivalité interimpérialiste, Wintringham considérait cependant qu’il ne s’agissait pas avant tout «d’une guerre pour le partage du butin» mais que son axe était plus «les buts et les desseins de l’exploitation de la classe ouvrière en Europe et sa résistance […] que l’exploitation coloniale des peuples[13]». Résumant le caractère du conflit, il le décrivait comme «une guerre menée par le fascisme pour s’assurer le pouvoir à l’échelle mondiale, d’abord comme force contre-révolutionnaire et ensuite comme impérialisme en expansion. Dans cette guerre, la fraction la plus réactionnaire du capital financier britannique a soit aidé le fascisme, soit s’est révélée incapable de s’y opposer efficacement, parce que l’impérialisme britannique soutient plus fortement la nature contre-révolutionnaire du fascisme qu’elle ne peut s’opposer à sa qualité d’impérialisme en expansion ». 

Plus loin, il décrivait la «situation révolutionnaire» qui existait en Grande-Bretagne pendant l’été 1940 et comment, en l’absence de direction et d’organisation, la classe dirigeante avait repris le contrôle : 

« En mai et juin 1940, le capital financier britannique a subi une sévère défaite. Son armée a été fichue à la porte de l’Europe. Son grand allié français a été détruit comme force combattante. Cette défaite de la bourgeoisie britannique avait fortement accru la possibilité de transformer la guerre en guerre antifasciste. Il était devenu nécessaire pour la bourgeoisie britannique de prendre des mesures pour armer le prolétariat. Il lui a fallu en appeler à la social-démocratie […] tout en mettant de côté ses représentants les plus réactionnaires. Il était devenu nécessaire de faire appel au prolétariat industriel en lui demandant des efforts sans précédent dans la production d’armements. Et dans les rangs de la bourgeoisie, il régnait la consternation et la division. Elle n’aurait pu résister facilement à une pression sérieuse pour un changement de nature de la guerre. […] Et parce que les plans de l’impérialisme étaient naufragés, il y a eu un grand progrès des forces antifascistes. Ce mouvement s’est produit sans aucune direction ni organisation et sans aucun soutien du Parti communiste. On ne peut pas dire jusqu’où ce mouvement antifasciste aurait été s’il avait été orienté et organisé. Il n’a pas eu de victoire significative au cours des trois ou quatre premiers mois de sa montée spontanée. En septembre ou octobre 1940, n’ayant pas de but ou d’organisation clairs, il est retombé et la bourgeoisie s’est remise de ses frayeurs.» 

Le Parlement aux armées

Patrick Silberstein (1994)

«Je me souviens d’une armée ingénieuse et résolue, de plus en plus hostile aux vertus militaires traditionnelles et devenue beaucoup plus antifasciste et consciemment anti-impérialiste, qu’aucun de mes jeunes amis n’aurait été près de le croire» (Edward P. Thompson, chef de char, 8e armée britannique, historien).

Juillet 1945 : quelques semaines seulement après la chute du 3e Reich, les Britanniques accordaient une majorité parlementaire aux travaillistes et renvoyaient Winston Churchill dans ses foyers. On estime que 80 % des effectifs militaires[14] ont alors voté en faveur du Labour. Après six années de guerre, les soldats de Sa Gracieuse Majesté demandaient que le pays s’engage dans des réformes sociales de grande envergure[15]. Le vote de l’armée était l’aboutissement d’un processus de maturation politique que la guerre avait sécrété. 

En 1940, la menace d’invasion avait mobilisé le peuple de Grande-Bretagne[16]. Et, dans le cours du conflit, les buts de guerre de l’establishment et ceux des masses populaires suivirent souvent des routes séparées. Partout dans le pays, dans les usines, dans les universités, dans ce que de nombreux observateurs ont appelé une « quasi armée populaire», les débats allaient bon train. En finir avec le fascisme et définir les objectifs politiques et sociaux de l’après-guerre étaient les questions qui mobilisaient l’Angleterre populaire[17]. La défaite allemande à Stalingrad face à l’Armée rouge avait soulevé l’enthousiasme populaire et des manifestations de soldats avaient eu lieu pour saluer cette victoire sur le nazisme.

D’avril 1943 à janvier 1944, les conservateurs perdaient régulièrement les élections alors que les « dissidences » travaillistes se multipliaient et que plusieurs officiers en service actif étaient élus aux Communes sur la liste Commonwealth[18]. Mouvement politique hybride, «quasi-socialiste», sans stratégie précise, Commonwealth allait de succès en succès en prenant des positions radicales : ouverture d’un second front, nationalisation des terres et des charbonnages… L’agitation politique dans le pays alors en pleine guerre était à son paroxysme. On discutait de tout: de la réforme agraire en Écosse, du contrôle sur la spéculation immobilière, de la nationalisation des banques…

Un document d’esprit keynésien, élaboré par Lord Beveridge, membre influent du Parti radical, soulevait alors un énorme intérêt : 525000 exemplaires de ce rapport étaient diffusés en un laps de temps record. Le résumé spécialement rédigé pour les soldats fut néanmoins interdit sur instruction du Premier ministre. S’appuyant sur le règlement militaire, le gouvernement expliquait que le rapport était sujet à controverses alors que les séances d’éducation où il était discuté étaient obligatoires puisque faisant partie des attributions des soldats. Trois mois plus tard, l’interdiction était levée devant une fronde parlementaire.

«Quand le peuple est aux armées, les préoccupations populaires deviennent celles de l’armée»

Dès 1941, revenant sur sa décision de 1940 de réduire les activités d’éducation des armées qui «n’avaient aucun sens pour se battre», le War Office décidait la mise en place de trois heures d’éducation par semaine pour l’ensemble des hommes de troupe. Cette décision s’appliquait à tous les soldats, y compris ceux affectés dans les unités combattantes. Il s’agissait ainsi de développer le moral des armées afin que la troupe sache pourquoi elle combattait et pourquoi le fascisme devait être vaincu. Il était devenu clair – y compris aux yeux des plus conservateurs de l’équipe dirigeante – que le conservatisme militaire était une entrave à l’effort de guerre et que des changements radicaux dans l’organisation des forces étaient essentiels pour la victoire.

Le Bureau militaire des affaires courantes (ABCA) qui avait la responsabilité de l’éducation a donc été renforcé en effectifs et en moyens. Les enseignants et leur syndicat – notamment sa branche vouée à l’éducation populaire – ont été appelés à jouer un rôle très actif dans la conception et l’animation de ce programme.

L’objectif assigné à l’ABCA était la création d’une «armée démocratique moderne». Les instructions données aux officiers précisaient que «l’armée britannique devait oser être démocratique parce que c’est en tant que citoyens d’un pays démocratique que nous gagnerons[19]». Il était conseillé à l’encadrement d’autoriser la libre expression des militaires du rang, de permettre la création de journaux muraux dans les unités et la publication de bulletins auxquels tous seraient encouragés à contribuer.

La publication officielle de l’ABCA diffusait des articles aux titres évocateurs: «Du travail pour tous», «Notre alliée, la Russie», «Le nationalisme écossais: indépendance ou autonomie», «La résistance des partisans en Yougoslavie», «Comment abolir la guerre?», «La nation juive», «L’indépendance des Indes». Les sujets abordés dans les conférences dispensées à la troupe traitaient du combat contre le fascisme, des problèmes sociaux, du soldat-citoyen, de l’après-guerre, de la réforme du système éducatif, de l’établissement d’un système national de santé, de l’habitat nouveau, etc.

C’est ainsi en grande partie à la suite des initiatives de l’ABCA que des comités de soldats du rang ont été élus dans nombre d’unités. Des comités d’entraide étaient élus à chaque échelon régimentaire pour représenter les intérêts de la troupe. Ces comités n’hésitaient pas à prendre des initiatives sur divers problèmes : conditions de logement, permissions, distractions, aide financière aux soldats dont les familles étaient sinistrées à la suite des bombardements. Ces comités ont imposé de facto un système de consultation entre les officiers et les hommes du rang. Dans une certaine mesure, la troupe a ainsi participé à l’organisation et à l’administration des unités et modifié les relations de commandement.

L’esprit de Cromwell

En juin 1942, avec la chute de Tobrouk, l’avance de Rommel vers Le Caire apparaissait irrésistible. Tandis que la 8e armée reconstruisait sa ligne de front à El Alamein, le remplacement du commandant en chef était à l’ordre du jour. Il fallait à tout prix restaurer le moral et l’esprit combatif. Le nouveau commandant en chef, le général Bernard Montgomery passait pour être habité d’un esprit cromwellien et influencé par l’expérience de la Nouvelle armée qui avait façonné la révolution anglaise. Aussitôt nommé, le nouveau chef décidait qu’il ne bougerait pas tant que son armée n’aurait pas été rééquipée, entraînée et tant qu’elle ne «disposerait pas des informations nécessaires à la compréhension de ses tâches».

La «crise du désert» devait contraindre la hiérarchie au renforcement des sections d’enseignement auprès des troupes. Des dizaines de professeurs et d’instituteurs ont alors été affectés auprès de l’antenne cairote de l’ABCA. Parmi eux se trouvaient de nombreux militants syndicaux et politiques.

En relation avec un certain Henri Curiel, qui tenait une librairie au Caire, réunis en un Groupe d’étude marxiste et membres du Parti communiste britannique pour l’essentiel d’entre eux, des soldats de la 8e armée se sont alors saisis de la situation nouvelle pour travailler à la construction de ce qu’ils appelaient le «Mouvement antifasciste des soldats britanniques». La publication d’un journal, intitulé KD, fut mise en route. Imprimé à Haïfa en Palestine, ni autorisé ni interdit par les autorités militaires, il était acheminé clandestinement vers toutes les bases anglaises de la région. Saluant les soldats de la 8e armée, le premier numéro de KD, paru en juin 1943, donnait l’orientation : «Renforcer la grande alliance antifasciste, vaincre le fascisme, défaire la réaction nationale et préparer la paix des peuples.»

Les « Rats du désert » élisent leur Parlement

Avec l’aide du vice-recteur de l’Université américaine du Caire, il fut décidé de la mise en place de ce qui allait entrer dans l’histoire de la démocratie aux armées sous le nom de «Parlement du Caire ». Un comité de préparation devait prendre les mesures organisationnelles et politiques nécessaires et assurer la liaison avec les autorités militaires et notamment avec le brigadier-général Chrystal qui commandait la place.

Profitant de la situation exceptionnelle qui régnait à l’époque au Caire, le Parlement put se réunir dans un centre culturel appelé Music-for-All. On pouvait trouver là toutes sortes d’activités récréatives: musique, théâtre, cinéma, clubs, conférences, etc. C’est là aussi que se réunissait, de façon discrète, une fois par semaine, depuis le début de 1942, le Groupe d’étude marxiste.

Bien que les activités de Music-for-All aient été destinées aux soldats, le centre ne dépendait pas directement de l’autorité militaire. Ce qui symboliquement lui avait donné une image d’indépendance vis-à-vis de tout contrôle officiel. D’autant que, contrairement aux autres structures de loisirs à destination du personnel militaire, il n’y avait aucune discrimination de classe dans les locaux: pas de mess, pas de salles séparées en fonction des grades ; on pouvait y venir en uniforme ou en civil, les invités non militaires étaient admis.

La « crise du désert » fournissait aux antifascistes l’occasion de franchir un pas dans la voie de l’organisation des soldats. En donnant les moyens à la troupe de s’associer largement aux débats concernant leur avenir, le Parlement reprenait les traditions démocratiques de la révolution anglaise et de son armée de citoyens. Mais il fallait prendre garde à ne pas violer ouvertement un règlement militaire qui interdisait toute activité politique.

Le commandant de la place du Caire et les autorités de Londres devaient dans un premier temps donner leur accord à ce qu’elles considéraient devoir être une activité éducative. La procédure choisie pour le fonctionnement du Parlement était calquée sur celle de la Chambre des Communes. Les ordres du jour étaient déterminés par le comité du Parlement. Réuni pour la première fois devant plusieurs centaines de «spectateurs» échauffés, le Parlement du Caire a émis un vote en faveur de la nationalisation des grandes entreprises. Pour asseoir sa légitimité qui était mise en cause par ceux qui commençaient à brandir la crainte de la « subversion », le comité a décidé d’organiser des «élections générales». La procédure choisie fut acceptée par la hiérarchie militaire. Après une intense campagne électorale dans l’ensemble des unités, le 2 février 1944, l’assemblée réunie au Music-for-All procédait à l’élection du Parlement en présence de la presse égyptienne et anglo-américaine, des envoyés du brigadier-général… et des espions allemands. Le Parti travailliste (les communistes étaient inclus dans le ticket travailliste) recueillait 119 voix et le Commonwealth 55 voix. Les libéraux gagnaient 38 voix tandis que les Tories arrivaient bons derniers avec seulement 17 suffrages. Les travaillistes formaient aussitôt un gouvernement et désignaient le soldat de deuxième classe Harry Salomons (qui fut parlementaire avant la guerre) comme Premier ministre de l’armée d’Égypte. La presse rendit largement compte des élections et publia la liste du gouvernement qui comptait un ministre des Indes et des colonies, le sergent Bardell.

La session suivante s’ouvrit devant 500 personnes. Le porte-parole, en évitant soigneusement de tomber sous les coups du règlement, proposa à l’ordre du jour une discussion sur l’indépendance des Indes, la nationalisation des charbonnages et des chemins de fer. Les conditions du service furent elles aussi inscrites à l’ordre du jour. De même que la signature d’un traité d’amitié et de coopération avec l’URSS. «Dans chaque camp, dans chaque casernement, dans chaque trou à rat entre Le Caire et Monte Cassino, la troupe discutait du Parlement[20]

Les autorités militaires étaient alors confrontées à un énorme problème. Il leur fallait briser le processus en cours sans paraître agir contre les principes qui étaient censés être ceux de l’Angleterre: la lutte contre le fascisme et pour la démocratie, principes auxquels les masses en kaki s’étaient naturellement identifiées. Le War Office fut très alarmé quand la radio allemande diffusa une allocution de Goebbels affirmant que « les troupes anglaises étaient en train d’organiser des soviets ». Le ministère de la guerre dénonça alors la subversion et ordonna la reprise en main. Par 600 voix contre une – celle du brigadier-général présent lors de cette session –, le Parlement du Caire repoussa l’ultimatum ministériel. Le 5 avril, le brigadier-général Chrystal prit les premières mesures de rétorsion : mutations des principaux animateurs, mise sous tutelle militaire des sessions, interdiction de désigner le Parlement sous le terme «parlement»…

Il n’est pas exclu, selon Robert Kisch, que cette initiative ait pu servir les buts politiques de Churchill. En effet, l’existence d’une armée anglaise radicalisée dans la zone méditerranéenne pouvait entretenir une vision illusoire au sein des maquis des Balkans sur les objectifs véritables de l’impérialisme britannique dans la région[21]. Mais, quoi qu’il en soit, pour les centaines de soldats qui ont participé au Parlement du Caire, pour les milliers qui en ont débattu, il s’agissait d’un outil politique qu’ils avaient forgé et dont ils étaient les maîtres. C’est par son entremise qu’ils développaient leurs objectifs et leur contribution politique à la lutte antifasciste qu’ils menaient les armes à la main. Cela reflétait de façon certaine le niveau de la conscience antifasciste et anticapitaliste des travailleurs sous l’uniforme du front proche-oriental. Les femmes et les hommes de la 8e armée ont ainsi montré leur volonté et leur force pour que – dans le cours de la guerre et dans la perspective de la paix – soient engagées les transformations de l’armée britannique en «armée de citoyens» et de la société tout entière vers une « démocratie sociale ».

Quelques jours après la dernière session libre du Parlement du Caire qui aura vécu quelques mois, l’armée grecque libre stationnée en Égypte, entrait en rébellion. Un peu plus tard, les bases de la RAF se mettaient en grève…


[1] Traduction : Hélène Desfond.

[2] La Garde territoriale fut complétée par un corps d’auxiliaires féminines comprenant 22 000 femmes. Elles étaient néanmoins explicitement confinées à des tâches non combattantes.

[3] Hulton, qui publiait l’hebdomadaire de gauche Picture Post était très riche et accepta de financer le projet. 

[4] Hugh Slater, écrivain et peintre, avait travaillé pour l’état-major des Brigades internationales. À Osterley, il se fit instructeur en guérilla urbaine. Yank Levy, ancien des Brigades internationales lui aussi, avait à son actif le trafic d’armes au Mexique, la lutte aux côtés de Sandino au Nicaragua, l’organisation d’un syndicat dans la marine marchande. Roland Penrose, peintre surréaliste, bien que n’ayant aucune expérience militaire, était un expert en camouflage. Wilfred Vernon, ancien député travailliste alliant des positions socialistes avec une expérience d’officier pendant la guerre 1914-1918, fut le principal instructeur pour la fabrication improvisée de mines et de grenades. Stanley White était un des leaders du mouvement scout, ce qui lui conférait un savoir particulier. Trois mineurs andalous réfugiés en Angleterre enseignaient le sabotage 

[5] « Conversation avec un membre de l’Independant Labour Party », Tribune, 20 décembre 1940.

[6] « La Garde territoriale est capable de combattre », Picture Post, 21 septembre 1940. Dans le même article, Wintringham donnait un résumé de l’instruction dispensée à Osterley. 

[7] Wintringham et ses amis publièrent un guide du guérillero autodidacte. Les éditions Penguin Books publièrent aussi un manuel sur la guerre de guérilla écrit par Yank Levy en collaboration avec Wintringham et qui était destiné à enseigner les techniques de guérilla à l’ensemble de la population. Le 26 juillet 1941, Wintringham rendit compte des succès de la Garde dans la fabrication d’armes dont des mortiers. 

[8] L’automobile privée était encore symbole de privilège de classe.

[9] Une enquête officielle estimait la capacité opérationnelle des hommes de la Garde territoriale à 75 % de celle atteinte par les troupes régulières et comme presque égale au niveau exigé dans l’armée professionnelle 

[10] Dans une autre série d’articles du Picture Post et dans son livre New Ways of War («Une nouvelle manière de combattre»).

[11] Hugh Slater, Home Guard for Victory, Londres, Penguin Books. 

[12] Tom Wintringham, Freedom is Our Weapon – A Policy for Army Reform, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner and Company, 1941. 

[13] Tom Wintringham, The Politics of Victory, Londres, George Routledge & Sons, 1941. 

[14] La Grande-Bretagne avait mobilisé cinq millions d’hommes et de femmes sous les drapeaux. Tous les hommes de moins de 60 ans et les femmes de moins de 50 ans étaient eux aussi mobilisés dans le dispositif « civil ».

[15] Selon Peter Tatchell, l’armée était loin d’être prête à s’opposer à l’élection d’un gouvernement socialiste radical. Certains secteurs auraient même envisagé un coup d’État militaire contre les Tories si Churchill avait été réélu, et discuté de la possibilité de demander au maréchal Montgomery de prendre la tête d’un gouvernement anti-Tory soutenu par l’armée.

[16] Peter Tatchell, « L’armée des hommes libres », « Bibliothèque de nos mémoires », www.syllepse.net.

[17] La volonté d’accélérer la guerre et les divergences anglo-américaines sur le second front alimentaient les discussions. Les États-Unis et l’URSS étaient favorables à ce second front en Europe occidentale tandis que l’invasion par les Balkans avaient les faveurs de Churchill.

[18] Selon certaines estimations, le cinquième des adhérents de Commonwealth était des militaires.

[19] Cité par Peter Tatchell, Democratic Defence, Londres, Heretic Books, 1985.

[20] Richard Kisch, The Days of the Good Soldiers, Londres, The Journeyman Press, 1985.

[21] Ibid.